Le maître de l’ouverture Nkodo Si Tony
Avec lui, le rythme cher aux peuples de la forêt a connu sa plus forte percée dans l’univers moderne de l’art musical. Le Bikutsi s’imposait alors sur les playlists de DJs dans les night clubs du Cameroun et d’ailleurs, tout en s’invitant sur des programmations jadis insoupçonnées pour ce genre artistique.
Avec ses deux premiers albums sortis au Cameroun, « 100% degrés de Bikutsi à l’ombre » et « 120% de Bikutsi à l’ombre », Nkodo Si Tony « élevait le débat ». Car en effet, après son long séjour au Nigéria où il explora longuement le Hi-Life, l’Afrobeat, la Ju-Ju Music et autres sonorités Ibo et Yoruba, l’homme était chargé de belles influences. Or, bien avant son départ pour l’Afrique de l’Ouest, il connut quelques cabarets et studios de la ville de Douala, où il s’amusa sur les rythmes du Littoral et notamment le célèbre Makossa.
Lui qui, à ses débuts, tout jeune dans l’arrière-pays, ne dansa et ne fit danser que sur des tam-tams, tambours et balafons, allait proposer une musique d’ouverture, un vent nouveau. S’il s’inscrit clairement dans le sillon creusé par Messi Martin et les autres pionniers du genre, il irradiait de fraîcheur. Dès l’amorce de chacun de ses titres, il y a cette douceur dans les notes qui vous disposait à un abordage différent d’une musique qui, traditionnellement, se veut à la limite de l’agressif, considérablement virile. D’ailleurs, son tout premier gros succès « Dolo ébè » devra attendre près de deux ans après sa sortie, pour embraser définitivement les cœurs d’un public aux habitudes quasi établies. Sa voix veloutée et forte, son rythme faussement chaloupé, toutes ces alluvions glanées des cours d’eaux du Makossa et tout le potentiel acquis au Nigéria aux côtés de Prince Nico Mbarga et autres Sunny Okosun, sont désormais autant d’ingrédients qui viendront épicer cette nouvelle offre du fils Yezoum et conquérir les mélomanes.
A la rencontre de son destin
Né en 1959, le jeune Nkodo Si Tobie François est l’aîné d’une fratrie de sept enfants. Son père est alors employé à l’ex ONCPB, chargé de l’exportation du cacao et de quelques produits bruts au port de Douala. Le paternel « papa Si » qui est aussi arbitre de football dirige avec beaucoup de rigueur sa petite famille. Et son premier-né est son cobaye idéal. Pourtant, le garçon virera très tôt, possédé par la muse de la musique. Parti des percussions traditionnelles de son village, il a ressenti une fois en ville, l’appel des elfes et décidé d’y répondre. Les colères et coups de fouets du « vieux » ne parviendront pas à lui faire changer d’avis. Il fuguera même à plusieurs reprises pour retrouver des compagnons tels que Manuel N’Guisso et un certain Eboa Lottin, avec qui il fera ses premières véritables classes musicales. Il s’édifie d’abord au chant et à la guitare avant d’explorer les autres instruments de l’orchestre. Une particularité qui sera un avantage pour lui pendant son aventure hors de son pays d’origine.
Il peut alors auprès de plusieurs grands acteurs de différentes scènes, vivre diverses expériences à partir de plusieurs postes de travail. Une énorme richesse qu’il a su mettre en valeur pour tisser tous ces tubes en tant qu’auteur-compositeur-arrangeur puis interprète. A son retour au Cameroun en 1985, il rencontre Albert Breuk’s, un orfèvre avant-gardiste qui croit en ce nouveau son et décide de l’accompagner. Le succès était alors inévitable. De l’écurie de ce Breuk’s sortiront d’innombrables succès de la production locale.
Le Label Wood Time Records salue ces précurseurs et lui rend hommage par l’interprétation de ses grands succès, lui qui le premier a retiré la guitare pour mieux se rapprocher de l’authenticité des couleurs et de l’originalité de ce rythme de la forêt.